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La Biodanza, une « promesse inachevée »,
Qui mérite cependant d’être expérimentée…



J’écrivais il y a une douzaine d’années : L'être humain dispose d'une aptitude naturelle au bonheur. Nous vous proposons une méthodologie fondée sur le rythme, la musique, la danse … ; un processus… d'ouverture à soi-même, à l'autre, et au monde [pour atteindre le bonheur. Un processus] capable d'extraire le meilleur de la nature humaineà condition toutefois de le vouloir vraiment. C’était une « belle formule ».

Un processus « capable d’extraire le meilleur de la nature humaine » et « à condition de le vouloir vraiment » est d’autant plus vrai que l’être humain, par nature, est peu porté vers le goût de l’effort. Dieu seul sait, et notre âme, combien il nous est difficile de stimuler notre volonté au quotidien. Cet article est une critique qui se veut constructive, un propos issu de mon expérience et peut-être une matière à réflexion. 

Pour comprendre notre propos, il est nécessaire au préalable de décrire la Biodanza. Je le ferai de manière concise car plusieurs livres ont été écrits à ce sujet. Décrire ce qui s’expérimente et se comprend par le mouvement n’est pas un exercice facile. Car les approches corporelles sont parsemées d'émotions, de sensations et de ressentis. Le témoignage est subjectif. Chacun ira peut-être de son imaginaire en affirmant : « Ah oui ! ça ressemble à ceci », « Ah, oui ! ça ressemble à cela », comme j’ai pu l’entendre bien des fois.  Et parfois même en dehors de toute expérience. En réalité, et pour avoir testé un certain nombre de pratiques corporelles, et à mon humble connaissance du moment, il n’en est rien. La Biodanza n’a pas d’équivalent. Cette affirmation n’exclut pas que certains ont peut-être emprunté à d’autres et inversement. Quoi qu’il en soit, il existe une méthodologie propre à la Biodanza. Alors, en quoi diffère-t-elle foncièrement des autres méthodes de développement personnel ? Quels sont ses bienfaits ? Où se situerait éventuellement son originalité ? Permet-elle d’atteindre le bonheur ? Et pourquoi, le cas échéant, pourrait-elle ne pas répondre favorablement à l'éternelle question du bonheur ? Je répondrai à chacune de ses interrogations dans la limite de ma compréhension du système, de mes observations et de l’expérience acquise au cours de ces douze dernières années.

La Biodanza a été créée dans les années 70 par Rolando Toro, un psychologue clinicien d’origine chilienne. Il se questionne très jeune sur le bonheur. Curieux de connaitre l’avis de ses contemporains, il réalise un sondage auprès de trois cents personnes (d’autres avancent six cents) pour savoir ce qui les rend heureux ? A la lecture des réponses, Rolando découvre de multiples raisons à la question du bonheur. Il parvient néanmoins à classer les réponses en cinq grandes catégories. Le bonheur consiste pour certains à se maintenir dans une bonne vitalité. Pour d’autres, il se réalise dans une œuvre créatrice sans pour autant lui donner, ni l’exclure, une dimension élitiste. D’autres encore mettent l’accent sur l’importance de l’affectivité. Certains encore attirent l’attention sur l’importance d’une sexualité épanouie. D’autres enfin trouvent leur bonheur dans la Foi et/ou la religion. Il associe chacune de ces catégorie à des besoins humains fondamentaux : la vitalité, l’affectivité, la créativité, la sexualité et la transcendance. Nous pourrions aussi les appeler des « lignes d’expression » en ce sens où elles sont inhérentes à l’espèce humaine. Chacun de ces concepts, très concrets par ailleurs puisqu’ils correspondent à des besoins, est clairement définit en formation.

De plus, il constate que l’éducation, et c’est encore vrai de nos jours, ne permet pas un développement harmonieux de ces différents besoins. Il observe également que ces lignes d’expression se sont développées de manière très inégales au cours de l’enfance. D’où parfois, la sensation d’un manque de quelque chose à l’âge adulte. Pour pallier à ce constat, il crée plus de deux cent cinquante propositions. Certaines d’entre elles se dansent seuls, à deux, d’autres en trinôme, voire davantage. Chaque atelier comprend en moyenne douze exercices. Ils ont pour objectif de stimuler de manière équanime et progressive chacun de ces besoins. Le facilitateur décrit techniquement la proposition. Puis, il montre en musique de quelle manière cette proposition peut se mettre en mouvement. C’est un exemple parmi tant d’autres. Le participant peut choisir son partenaire ou se laisser choisir. Chaque participant s’exprime alors sur le rythme et/ou la mélodie de la musique. Le rendu de sa danse doit réunir trois aspects : 1/ Respecter la consigne, 2/ Rester dans l’esprit de la proposition et 3/ Danser son ressenti de la musique. En outre, il a la possibilité de danser ou de ne pas danser. Chaque séance stimule sainement le système nerveux dans sa partie sympathique (activation progressive du mouvement) et parasympathique (ralentissement progressif du mouvement). Cet aspect représente à mon sens l’élément le plus original, efficient et créatif de sa méthode.  

Ainsi, et quel que soit notre âge, la méthode actualise certaines parts de nous-mêmes encore inhibées, endormies ou peu développées. Elle révèle les besoins qui ont été sous-alimentés pendant l’enfance… comme ceux qui ont connu un meilleur développement. En conséquence première, le processus crée certaines appréhensions. Car il amène l’individu à se confronter parfois à ce qu’il ne connait pas, à ce qu’il redoute et qu’il pressent comme un écueil ou une difficulté. Secondement, le déploiement de ces lignes d’expression amène peu à peu un sentiment dit de « complétude ». Si le sujet entre dans le processus, il dépasse effectivement certains obstacles et actualise nécessairement un potentiel. L’individu peut alors recouvrir l’estime de lui-même, le sens de sa valeur, la confiance, etc… Ce qui permet à terme d’accéder à une certaine forme de bonheur. 

Cette description simple et suffisante pour notre propos permet de comprendre que cette approche psychocorporelle est fondée sur la rencontre humaine. C’est la seconde facette avantageuse de son originalité. 

Au cours de ma facilitation, j’ai observé un processus d’ouverture à l’autre quasi-unanime et une recréation progressive de liens. Ce processus chez le participant ne rencontre aucun obstacle particulier si les trois conditions suivantes sont réunies : 

1/ Le Participant se respecte dans son évolution. Ce qui n’est pas aisé car il doit se différencier à l’intérieur d’un groupe humain, ne serait-ce que pour se respecter. Or, l’individu a aussi un besoin d’appartenance à un groupe. 

2/ Le Facilitateur doit respecter le rythme d’évolution de chacun. Ce qui exige une attention toute particulière à soi, à ses ressentis désagréables afin de ne pas glisser dans la projection. 

3/ Le Facilitateur doit appliquer rigoureusement la méthodologie. Ce qui n’est pas facile car certaines personnes sont davantage extraverties lorsque d'autres sont plutôt introverties. Le premier sera beaucoup plus à l’aise dans l’activation progressive du mouvement et, inversement, le second s’exprimera plus facilement dans le ralentissement progressif du mouvement. Rares sont les personnes capables de se maintenir dans un juste milieu. 

Je ne peux malheureusement pas m’étendre sur ces différents points qui mériteraient cependant que l’on s’y arrête davantage. Pour autant, nous avons déjà une idée plus précise du processus qui peut se jouer pour le participant comme pour le facilitateur. Cette progression s’inscrit-elle chez le participant dans un ensemble de changements périphériques ou d’une transformation en profondeur ? 

Il existe autant de réponses que d’individus. Car l’expérience de chacun est unique. Certains participants « dansent » ou pratiquent depuis des mois, voire des années, et/ou suivent régulièrement des stages. Aussi, chacun ne commence pas au même âge, ni avec les mêmes problématiques, et encore moins et surtout avec le même état de conscience. Toujours est-il que cette ouverture s’exprime ensuite parfois/souvent au quotidien sous une forme excessive tant l’enthousiasme est débordant. Cette ferveur est contenue dans la méthodologie elle-même. Elle pourrait même être amplifiée ou diminuée par le Facilitateur. Alors, dans le meilleur des cas, tant pour le Facilitateur que pour le participant, nous réajustons ce qui nécessite d’être amélioré … si toutefois l’idée même de ce réajustement effleure l’esprit. Le « Rien de trop » inscrit sur le fronton du temple Delphes n’est pas une vertu facile à acquérir. 

De ce fait, chaque participant à la sensation et le sentiment de progresser. Cependant, si nous faisions un examen de conscience, que pourrions-nous effectivement confier à notre âme ? Avons-nous la sensation et le sentiment d’avoir réellement dépassé certains schémas préjudiciables ? Que ressentons-nous quelques jours après un stage ou un week-end de formation ? Quels sont nos rêves ? Je veux parler de ceux que nous recevons la nuit ? Que disent-ils sur nous-mêmes ? Que se passe-t-il à l’issue de quelques semaines, quelques mois ? Avons-nous toujours le sentiment d’être aussi rempli ? Et avons-nous alors des années plus tard le sentiment d’être « guéri » dans certaines parts de nous-mêmes ? Qu’est-ce qui a finalement véritablement changé ?

Lorsque je me suis formé à la biodanza, j’étais en psychothérapie depuis une dizaine d’années. C’est ce qui m’a permis de m’impliquer chaque fois davantage. L’agir avait un sens personnel. Et je ne suis pas en train de dire qu’il faut être en thérapie pour aller plus loin. La psychothérapie m’a aussi permis de comprendre mes sensations et mes ressentis de l’époque. Quelle est la part de la psychothérapie et de la biodanza dans mon cheminement personnel ? Il n’est pas aisé d’y répondre. A la fin de ma formation, je me suis cependant senti envahi par le doute et une tension psychique insupportable. L’un des aspects de cette remise en cause portait sur les effets réellement bénéfiques de la biodanza. Alors, pourrait-on me rétorquer : « Pour quelle raison as-tu animé un cours hebdomadaire ? ». J’ai animé un cours hebdomadaire parce qu’il m’était demandé d’apprendre à animer un groupe humain. Et sincèrement, ce fut une belle et mystérieuse expérience. 

En tant que Facilitateur, et à l’issue de toutes ses années d’enseignement, il est possible de résumer mon expérience par cette notion de « Promesse Inachevée ». Si le processus apporte bien des "joies" à court terme, il ne s’installe pas à moyen terme, à moins que les émotions ou les difficultés rencontrées ne soient directement traitées en psychothérapie. C'est le fruit de mon processus et de mes observations, certes, trop peu nombreuses pour en déduire une loi générale. Pour quelles raisons alors la Biodanza ne permettrait-elle pas un changement en profondeur ? 

Pour ce faire, j’évoquerais quatre principales raisons, même si les trois dernières pourraient découler de la première. 


1ère raison.

Cette voie est fondée sur le développement de la partie « saine » de l’individu. Le psychologue pourrait dire : « sur la partie innée ou acquise ». Ce qui suppose, implicitement, sans jamais la nommer, une partie « malsaine ». De fait, la partie obscure reste dans les profondeurs de l’inconscient. Le sujet n'est pas abordé parce qu'il pourrait disqualifier. L’être humain court alors le risque de refoulements successifs qui conduisent parfois à une dissociation soudaine. Cette débâcle psychique à priori se manifeste parfois/souvent dans les rêves pour prévenir ou compenser. Et ce que certains nommeront une fatalité en situation de crise aigüe, comme pour minimiser le phénomène, était en réalité tout à fait prévisible. Ainsi, cette voie n’encourage pas, ou peu, une descente dans les abysses de la personnalité, c’est-à-dire de son tempérament, de son caractère, et de son inconscient personnel. Et pour cause, ce n’est pas sa vocation. Le groupe en Biodanza n’est pas un groupe psychothérapeutique. C’est la raison pour laquelle, l’être humain en biodanza ne peut pas se différencier foncièrement, au risque de déplaire et d’être paradoxalement rejeté par ses pairs. Je n’évoque pas ici une simple hypothèse. C’est une réalité. 

Cette première raison à elle toute seule anéantit toute possibilité réelle d’évolution. Car en mettant l’accent sur un aspect de la réalité, l’individu se coupe de l’autre aspect tout aussi réel, celui qui précisément permettrait de créer une tension et d’opérer de véritables changements… L’individu se complait inconsciemment dans un groupe qui stimule et entretient les louanges et les gratifications. Le sentiment de différenciation n’existe pas, même si le sujet a réellement l’impression du contraire. C’est le propre des groupes qui fonctionnent sur le confort et le consensus. Dès lors, la méthode n’agit pas (ou peu) sur les comportements conditionnés et les mécanismes de défense. C’est ce qui précisément permettrait une évolution en structure. Car encore une fois, ce n’est pas sa vocation. Pourquoi l’individu a-t-il alors le sentiment de progresser et de développer ce qui fait sa spécificité ? C’est vraiment très simple.

Nous avons osé transgresser et vaincre certaines de nos limitations, nous faisons preuve de créativité, nous exprimons notre affectivité, nous avons davantage confiance en nous-mêmes et nous nous aimons, alors, et à juste titre, l’être humain croit avoir opéré une transformation. Nous assistons en réalité à l’émergence d’un « ego spirituel ». Par suite, cette voie engendre à l’insu de l’individu et à des degrés divers, une forme d’inflation psychique. Parce que nous n'avons pas le courage d'interroger nos motivations profondes.

Comme je le présume, les raisons suivantes sont certainement des conséquences de la première. 


2ème raison.

Cette méthode affirme que nos manques peuvent être comblés. Il est avéré que le participant aboutit à une expression de plus en plus libre de lui-même. Il en est ainsi parce que le cadre devient relativement vite perméable. La transgression est du reste encouragée. Une liberté d’être qui atteint très vite les limites du possiblement correct et du raisonnable, ainsi qu’une absence notable de discernement. Nous savons aujourd’hui que les slogans, « Il est interdit d’interdire » ou « Jouir sans entraves », n’ont pas été une réponse adéquate à la question du bonheur. Bien au contraire, nous avons assisté à un abus et à une prédation sans précédent sous le couvert de la recherche d’une prétendue libération sexuelle. «
Ne crois pas qu’on ne puisse jamais détruire la luxure en la satisfaisant à satiété »1. Alors, l’être humain peut-il combler tous ses manques ? 

Combien de fois ai-je entendu entre deux séances, ou deux stages de formation, ou à l’issue des congés scolaires : « ça m’a manqué ». C’est élogieux, certes, à l’adresse du Facilitateur… bien que très discutable. Car il ne sait pas vraiment ce qui motive inconsciemment la présence de chaque participant. Pour autant, la réponse aux manques en Biodanza consiste très souvent en la restauration du plaisir dans des formes les plus variées. Nous goûtons aux plaisirs dans le respect de l’autre bien sûr… enfin, presque… car les consignes manquent parfois/souvent (à dessein ?) de précisions. Cette lacune (volontaire ?) ouvre alors la porte à des transgressions qui dénaturent parfois littéralement l’objectif même de la proposition. 
 
Certains manques, en lien avec la matière, peuvent être facilement comblés. Prendre soin de de son corps physique illustre bien ce propos. Et il est important de prendre soin de son corps physique. D’autres manques, en revanche, métaphysiques, en l’occurrence, seront comblés à un niveau supérieur, un plan qui n’est plus celui du mesurable ou du tangible. C’est un plan qui fera nécessairement appel à une «
réflexion adéquate » et une concentration de « forces psychiques et physiques » inhabituelle. Cette « puissance inattendue » [est] souvent de loin supérieure à un effort volontaire et conscient 2 ». Si je ressens, par exemple, une absence de tempérance, il me faudra nécessairement développer une énergie psychique capable de me hisser intérieurement vers un bien métaphysique (Pierre Hadot). Ce genre de biens, immatériel par essence, ne s’obtient pas avec une contrepartie matérielle.

Toujours en relation avec le manque, une Science Traditionnelle plusieurs fois millénaire nous enseigne que l’être humain est « frappé » dès la naissance au cœur de son être. Il s’agit d’une blessure profonde ressentie à l’âge adulte comme une carence, un manque ou une déficience. Il faudra alors vivre bien des expériences pour identifier et comprendre sa nature, apprendre à la gérer, l’assimiler, lui donner du sens, et s’en libérer par un comportement adéquat et soutenu. Elle se transforme alors en une « blessure sacrée », source de créativité. Dans cette situation, le petit moi est inopérant. Ainsi, le manque est inhérent à l’espèce humaine et certains ne pourront pas être comblés au niveau de l’ego. 


3ème raison.

Cette voie est fondée essentiellement sur la stimulation du désir. L’objectif consiste à effacer progressivement les inhibitions, les appréhensions, les retenues, ou encore les écueils qui altèrent la rencontre humaine. Une grande partie des exercices en biodanza a été créée dans cette perspective. Si au départ, cette proposition est raisonnable et légitime, elle finit à moyen terme par engendrer des effets pervers3. D’une part, il existe une infinité de désirs, du plus brut, voire sournois, au plus raffiné, voire fallacieux. Car soudainement, ou progressivement, le cadre se relâche. Et le participant, encouragé par une certaine manière de faire, se croit légitimement investi d’une forme de permissivité. Elle n’existe que dans son imaginaire. L’autre devient alors un prolongement de lui-même. In fine, ces propositions peuvent réveiller la prédation, la perversité, le vol corporel derrière le prétendu courage d’être soi. En fait, l’autre est réifié à notre insu. Nous oublions une notion essentielle dans la rencontre humaine : le respect de l’autre. D’autre part, « l’ajout de désirs à d’autres désirs », aussi finement choisis soient-ils, cantonne ipso facto l’individu dans la sphère du désir. En conséquence, l’individu s’enferme dans une dépendance. La situation n’évolue pas car elle stagne sur un plan horizontal. Pourquoi en l’état actuel des choses, la situation ne peut-elle pas évoluer ?

La situation ne peut pas évoluer parce qu’elle œuvre sur un seul aspect. Ce dernier peut être nommé désir, plaisir, confort, louanges, transgression, réconfort, gratifications, posture maternelle. La méthode n’intègre pas le second aspect qui, par nature, engendre l’alternance et l’évolution. C'est une forme de cloisonnement où "la main droite ignore et doit ignorer ce que fait la main gauche". Or, l’être humain doit apprendre à regarder la face cachée du plaisir, du confort ou de la gratification. Ce qu’il fait du reste très souvent, peut-être inconsciemment, dans la vie de tous les jours, ne serait-ce que pour répondre à un besoin d’adaptation. De quoi s’agit-il ?

Nous pensons le jour par rapport à la nuit. Nous ressentons le chaud parce que nous avons expérimenté le froid. Nous nommons le juste parce que nous avons éprouvé l’injuste. Or la Biodanza ne s’exprime pas au sujet de la nuit, du froid et de l’injuste… ou de manière rarissime. La Biodanza est dans la recherche permanente d’un seul aspect. Un aspect = une possibilité sous une infinité de formes mais toujours rattachées à cette même possibilité. Peut-on considérer l’Oiseau sans le Serpent, l’Esprit sans la Matière ? «
Les contacts matériels qui donnent le froid et le chaud… le plaisir et la douleur… apprends à les supporter… »4. Car, en effet, les deux termes, plaisir et douleur, forment ensemble une totalité. Ignorer le second terme altère la réalité. L’adoption d’un seul terme est une illusion et une profonde hérésie. L’exclusion du second terme « a fait, et fait encore, des dégâts dans le mental individuel et collectif… le refoulement de cet aspect double … porte la responsabilité d’un dualisme néfaste que la psychologie cherche … à surmonter5 ». Ainsi, le processus reste inachevé. C’est le résultat d’une atmosphère New-Age. Ce n’est pas une coïncidence si l’étiquette « bisounours » colle tant à la peau de la Biodanza depuis des décades.  

Il m’a été cependant rapporté deux miracles. Une personne sur sa chaise roulante s’est levée pour danser. Une femme qui ne parvenait pas à avoir un enfant est tombée enceinte. A-t-on étudié l’anamnèse de ces deux personnes ? Etaient-elles suivies depuis des années par un spécialiste, en plus d’être des participantes régulières au cours de Biodanza ? De plus, s’est-on intéressé sur ce que ces mêmes personnes avaient vécu quelques semaines, quelques jours, voire la veille de leur miracle respectif ? Et ces miracles leur ont-elles permis de s’éveiller à un plan supérieur de la conscience humaine ? Face à ce genre de phénomène, il me semble que nous devrions garder une immense simplicité, car nous serions peut-être en mesure d’expliquer seulement cinq à six pour cent de ce qui s’est réellement passé… Ce qui n’exclut pas que la biodanza a certainement participé à la réalisation de ces miracles, comme elle participe à la "mise à jour" d'un certain potentiel.  

La Biodanza vise à actualiser le potentiel de l’être humain. Et c’est vrai ! Pour autant, il serait plus juste d’affirmer qu’elle permet d’actualiser un potentiel horizontal. Car la biodanza œuvre encore une fois sur les besoins et un seul aspect. En revanche, la contradiction, source de conflits, renferme dans ses profondeurs une réelle possibilité d’évolution car elle oblige à une verticalité. Or l’équilibre, c’est-à-dire la recherche d’harmonie, de paix, et in fine de bonheur s’obtient parce que nous avons reconnu et accepté en amont une situation de tension, ou un croisement entre deux termes qui peut nous permettre d’accéder à quelque chose de supérieur. Cet état de tension ne peut pas naitre d’un seul mais de deux aspects. « …
La contradiction signifie … une possibilité d’évolution… car la tension entre les contraires cherche un équilibre »5. « C’est l’interaction des antinomies » qui concoure « à un plus haut niveau de conscience ». Ce « plus haut niveau de conscience » emprunte le chemin d'une ascension, d’une échelle. C’est ce même niveau de conscience, travaillé encore et encore, qui permet l’intégration puis la suppression de la dualité. Dans la Trinité Chrétienne, « le Père, le Fils et le Saint-Esprit », c’est le Saint-Esprit, le troisième élément, qui « abolit la dualité… qui parachève la trinité et qui, par conséquent, restaure l’unité 2 ». La restauration intérieure de cette unité apporte un bonheur stable que nul ne peut nous retirer. Un tel accomplissement positionne l’être humain au-delà de la dualitude. 

Enfin, pour finir par une pointe d’humour qui ferait peut-être grincer les dents des spécialistes, la Biodanza met au même niveau Freud, Jung et Rolando Toro. Est-ce bien sérieux ? De plus, la Biodanza affiche des propositions comme « Biodanza et Yi-King », « Biodanza et Tarot », « Biodanza et Astrologie », « Biodanza et Chamanisme » pour n’en citer que quelques-unes. Est-ce bien sérieux ? Le Yi-King, le Tarot, l’Astrologie et le Chamanisme, en l’occurrence, deviennent à la dérobée des hypostases de la Biodanza. La Biodanza se voit ainsi au Cœur d’une matrice qui attire des « disciplines » ou des pratiques plusieurs fois millénaires. Ne sommes-nous pas en train de créer un nouveau Nabuchodonosor ? En outre, à ce jour, et sauf erreur de ma part, il n’existe pas de preuve scientifique concernant les effets bénéfiques de la Biodanza. Aussi, pourquoi des études sérieuses sur un large échantillon n’ont-elles pas été réalisées depuis les années 70 pour démontrer la validité de ses bienfaits ?

Je ne peux m’étendre davantage, ni accumuler inutilement les exemples. Je le ferai au risque de me répéter. J’apporterai au mieux une nième argumentation qui, en l’état, me parait suffisante. Cette critique ne prétend pas être exhaustive. Elle n’exclut pas non plus les contre-exemples. Chacun de ses points décrit en revanche des failles sérieuses dans le système Biodanza. 

Pour ma part, et vous l’aurez compris, j’ai cessé de faciliter parce que cette approche ne permet pas une véritable transformation. Elle ne parvient plus à embrasser mes exigences et mes valeurs du moment. D’où l’importance au départ de s’y arrêter quelques instants, vivre son expérience, et continuer ensuite son chemin. Car l’exploration du désir est un gouffre sans fin. Pour autant, et à y regarder de plus près, c’eût été extrêmement confortable en ma qualité de Facilitateur que de continuer à exercer. Ce choix m’aurait permis de continuer à recevoir les « dividendes » de l’expérience acquise et de l’influence du nom de la « Biodanza ». 


En résumé.

J’ai été amené à me confronter à des situations complexes et douloureuses. Animer un groupe humain n’est pas une chose facile. Des remises en cause m’ont amené sur un chemin un peu plus étroit et paradoxalement plus ouvert en possibilités. L’aspiration - ce qui élève la nature humaine - l’emporte sur le besoin et les plaisirs, sans pour autant les exclure. Car ils constituent à mon sens un passage nécessaire vers une véritable évolution. Le désir se déploie sur un plan horizontal. Mais il limite l’expression de l’individu car il le cantonne dans une tonalité affective parfois/souvent inadéquate, infantile et sans relief. En revanche, et sans nier pour autant nos instincts et nos besoins – les instincts ont aussi une forme de sagesse - l’aspiration dessine une volonté d’embrasser un mouvement ascensionnel qui modifie véritablement l’état de conscience de l’être humain. La tâche n'est pas aisée car elle exige une solide autogouvernance. « Quiconque s’observe lui-même avec attention et sans concession sait [qu’il est habité] par un être qui aimerait bien voiler et dissimuler tout ce que la vie comporte de pénible et de problématique pour s’ouvrir une voie facile et libre »5.

Il ne fait aucun doute qu’il est plus facile d’embrasser le plaisir que d’accueillir la douleur et les échecs. Or l’accès à l’individuation signe un engagement sans faille à l’endroit de l'acceptation du deuxième terme qui, lui-même, engendre à notre insu l'entrée dans le troisième terme. C'est une sensation intérieure. C'est un nouveau regard sur le monde. C’est la capacité d’embrasser le plaisir et la douleur avec la même amplitude. C’est la Promesse Alchimique de Mercure lorsqu’il réunit le bien et le mal. D’autres parviendront certainement à des conclusions différentes. D’où l’importance de respecter chacun dans son processus unique et singulier …. J’encourage quiconque à explorer ce que sa conscience lui suggère. C’est peut-être un bon moyen pour se sentir un peu plus en paix. Certains voient l’expérience comme une finalité lorsqu’elle devrait peut-être s’inscrire dans une réflexion et une croissance intérieure.

La quête du bonheur nécessite l’intégration de la dualité. Cette dernière est en effet à l’origine de toutes les souffrances humaines. L’intégration nécessite une réconciliation des contraires afin d’être « de moins en moins affecté par les circonstances extérieures », à tout le moins, continuer à ressentir une certaine joie de vivre au-delà des aléas, séparation et mort comprises. C’est cette volonté d’intégration qui permet de se hisser vers le troisième terme. C’est une Promesse inscrite dans le Cœur de tous les Hommes, comme il est promis de passer biologiquement de l’enfance à l’adolescence, puis de l’âge adulte et à la vieillesse. Ou encore passer du besoin au désir et du désir à l’aspiration. Ce n’est qu’une question de temps. C’est l’acceptation pleine et entière des affres et des joies de l’existence humaine. Cette difficile progression nécessite l’intervention de la Volonté, de l’Amour, de la Sagesse et de l’Intelligence, qui engendre parfois aussi à notre insu des moments inattendus de grâce. 

La quête du bonheur est un Art de Vivre au quotidien qui ne se limite pas à une pratique de deux heures par semaine. Elle nécessite une présence capable de revisiter quotidiennement ses faits et gestes sans aucun jugement. Elle nécessite d’explorer, de se tromper, de recommencer mais jamais sans se plaindre et surtout pas au même niveau. C’est un Art qui permet de se confronter, de se pardonner, de tirer des leçons, un Art qui nécessite des réajustements, une maitrise de soi, de la discipline, du courage et de l’humilité. Cette manière d’être au monde s’exprime souvent dans le silence, seul avec soi-même. C’est peu glorieux pour l’ego qui souhaiterait se placer sous les projecteurs. Pour autant, c’est une partie du travail intérieur que l’autre ne voit pas - tout au plus pourrait-il le percevoir - pendant que l’Autre se réjouit et modifie notre perception du monde. Cette quête nécessite une stratégie à long terme pour permettre au Temps de faire son œuvre. C’est le Temps des remises en causes, de la patience, de la gestation, de la création et de la consolidation. 

Le bonheur ne peut pas se fonder sur un objet extérieur qui par nature est limité, temporel, périssable et mortel. Est heureux celui qui se sent « de moins en moins affecté » par les circonstances extérieures, qu'il soit seul(e) ou en couple. Il ne s’agit pas de devenir insensible mais d’accepter ce qui est – une chose et son contraire - pour permettre à l’âme de se mettre « sur la pointe des pieds », pour permettre à l’homme de réunir les opposés complémentaires du Vivant à l’intérieur de lui-même. Il s’ensuit l’émergence d’un troisième terme, un processus magique et inexorable d’élargissement et d’approfondissement de la conscience humaine. La création (3ème terme), n’est-elle pas le mariage de l’Esprit (1er terme) et de la Matière (2ème terme) ?

Ainsi, la volonté d’être heureux appelle des efforts constants. Et dans ce domaine, rien ne se perd : «
Pas un effort, même le plus petit dans la direction bonne ou mauvaise ne peut s’évanouir du monde des causes »4. L’entrée dans le processus d’individuation permet de bâtir sa propre « Maison Illuminée ». C’est aussi la « maison du recueillement ». Celle-ci ne s’éteint jamais parce qu’elle est régulièrement entretenue avec des mains propres. L’aspiration à se reconnecter à son âme engendre progressivement une simplicité retrouvée. Cette simplicité retrouvée conduit à une certaine forme de bonheur. C’est un bonheur où l’opposé est regardé comme une pierre à polir, une opportunité à saisir, un travail privilégié à finir, un sacrifice ( = rendre sacré) à réaliser. C’est un bonheur où les contraires dansent ensemble dans une dynamique de réconciliation. C’est un bonheur où les choses matérielles deviennent secondaires. C’est un bonheur imprégné de la joie de l’enfant. Ce bonheur se développe dans une pratique philosophique au quotidien et il s’entretient concrètement chaque fois que des circonstances désagréables surviennent dans nos vies. 

Si nous posions un regard tendre et aimant à l’adresse de nos crises passées, nous découvririons alors que « nos remises en cause ont fait de nous ce que nous sommes ». Ce sont les efforts que nous déployons qui nous font grandir et évoluer sur notre chemin, ceux qui précisément nous rendent plus forts, stables, courageux et aimants, ceux-là mêmes qui nous font gagner réellement notre humanité.

   

1. "La voix du Silence", H.P BLATVATSKY
2. "Essais sur la symbolique de l’Esprit" de Carl Gustav JUNG - Albin Michel
3. Un « effet pervers » est un effet contraire et « non conforme au résultat escompté », un effet « détourné de sa fin », celle qui était initialement prévue. 
4. La Bhagavad Gitâ ». Traduction d’après Shrî AUROBINDO
5. Psychogénèse des maladies mentales » de Carl Gustav JUNG - Albin Michel
6. Aïon – Etudes sur la phénoménologie du Soi, de Carl Gustav JUNG – Albin Michel

 

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